Bernard Descamps

 

Mali, le don du fleuve

LE DON DU FLEUVECe pays, fait d’eau, d’herbe et de vent, ne se raconte pas, il se ressent et se vit au rythme du fleuve...
Je suis au Mali, entre Mopti et Tombouctou, à Sendégué, petit village des bergers Peul et des pêcheurs Bozo, perdu dans l’immense delta intérieur du fleuve Niger.
La vie des Peuls est liée à celle de leurs bêtes, à leur survie, au lait et au cycle des crues du fleuve, qui créent les pâturages sur ces terres arides...
Pour eux, peines espoirs et bonheurs se mesurent aux mouvements de l’eau...

Ici, la vie est un don du fleuve.

Bernard DESCAMPS 1998



 

Les textes qui accompagnent les photographies de Bernard DESCAMPS sont des extraits de poèmes de bergers Peul, composés oralement pendant des années, mémorisés et déclamés lors des fêtes villageoises...
Ces poèmes ont été recueillis et traduits par Christiane SEYDOU, directeur de recherche au CNRS publiés dans " Bergers des mots ", édition " Les classiques africains ", et Alpha I Sow dans " La femme, la vache, la foi", éditions Colin.

POEME PEUL

Bénies sont mes vaches ! Elles sont bénies, mes vaches
Elles sont nombreuses, saines et rassasiées
Elles déversent des nouveau - nés, elles déversent des vivres
Plein les écuelles, plein les barattes, plein les grands vases
Plein les calebasses à caillé, ô les mains grasses et belles !
Plein les ventres, la paix à moi me comble
mes femmes nombreuses, mes fils nombreux !
mes jours nombreux !
Moi, j’ai campements nombreux et nombreux villages serviles
Celui qui le conteste, qu’il vienne et voie !
Celui qui ne le conteste pas, qu’il vienne, mange et reparte !
Et moi, je le prendrai à gauche et le mettrai à droite
A droite je le mettrai, si pauvre qu’il soit
Tout pauvre qui trait, sô! sô! Ne sera jamais déçu
Mes troupeaux ne déçoivent point : sôbira sô !
Mes troupeaux rentrent : sô ! sôbira sô !
Les bandes de babouins rentrent : sô ! sôbira sô !
Mes troupeaux rentrent : sô ! sôbira sô !
Les bandes de singes noirs rentrent : sô ! sôbira sô !
Mes troupeaux rentrent : sô ! sôbira sô !
Les bandes de singes gris rentrent : sô ! sôbira sô !
Mes troupeaux rentrent : sô ! sôbira sô !
De grands troupeaux arrivent, nombreux !
Mes troupeaux arrivent, nombreux !
Les vents arrivent par vagues
Mes vaches arrivent par vagues
Elles m’aperçoivent au loin, se fâchent, sont en peine
Elles me fixent du regard, sourient, rient aux éclats
Elles sont attachées à mes orteils
Je les saisis comme des balles de fusil qui s’entassent
Elles bondissent comme moineaux
Elles dansent comme herbages flexibles
Elles arrivent comme averse de bruine
Elles me comblent comme le vent.

Poème traduit par Alpha I Sow in La femme, la vache, la foi, Editions Colin 1966

 
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Texte
© Bernard Descamps